Analyse des pratiques professionnelles

Analyse des pratiques professionnelles

Les pratiques professionnelles dans les champs du médico-social se confrontent quotidiennement aux pathologies et aux angoisses des patients, résidents ou usagers. Outre les problématiques de soin, d’autonomie ou d’éducation, les professionnels doivent composer avec les projections inconscientes des personnes qu’ils accompagnent. Un groupe d’Analyse des Pratiques Professionnelles (APP) — ou d’Ajustement de la Position Professionnelle — offre ainsi un espace de réflexion et d’élaboration des positionnements théoriques et pratiques.

par David Libralesso | Mise à jour le 26.09.2021

Pourquoi un groupe d’analyse des pratiques professionnelles ?

Un groupe d’analyse des pratiques professionnelles devient incontournable dans les champs du médical, du social et de l’éducation.


Les problématiques des relations accompagnants-accompagnés s’inscrivent au cœur de l’accompagnement. Or, tel
que l’avait étudié Balint, médecin à l’origine des groupes d’analyse des pratiques professionnelles (APP), de la qualité de la relation entre accompagnants et accompagnés dépend la qualité et l’efficience du soin ou de l’accompagnement.


À partir de cas cliniques concrets ou de thématiques vécus par les participants, un groupe d’APP offre ainsi un espace de travail, de
réflexion et d’élaboration des positionnements théoriques et pratiques dans les relations accompagnants-accompagnés. Avec
le soutien du groupe et la reconnaissance des différents vécus, les capacités de penser, de créativité enrichissent la qualité du positionnement.

Orientation générale

Groupe d'analyse des pratiques professionnelles
Un groupe d’analyses des pratiques professionnelles doit être un moment important dans la vie d’une équipe.

Un groupe d’APP est formé par des soignants et un psychologue ou psychopraticien de formation psychanalytique. Ce dernier assure la cohésion du groupe en veillant à la libre circulation de la parole et de sa juste répartition, à la position de non jugement des participants et au maintien du cadre de l’APP.

En effet, un groupe d’APP n’a pas pour objectif la psychothérapie personnelle des participants, ni l’analyse des problématiques institutionnelles. Il n’est pas non plus une étude de cas, ni une supervision. 

Un groupe d’APP est avant tout orienté vers les mouvements transférentiels intervenant lors d’une situation de soin ou d’accompagnement. Il est question de mettre en parole et d’élaborer les ressentis, les éprouvés, les perceptions et émotions vécus lors de cette situation. Le groupe d’APP s’instaure comme un cadre d’élaboration théorico-clinique et expérientiel permettant à chaque participant, comme à l’ensemble du groupe, de mettre en pensée les différents espaces de relations et de communications.

Il est ainsi essentiel que chaque participant soit pleinement impliqué et bienveillant à l’égard des collègues. Une grande attention sera portée à la considération du vécu singulier de chacun. 

L’assurance de confidentialité des échanges est évidemment un préalable à la sécurité du dispositif, à la liberté de parole et à la qualité des échanges.

Les objectifs éventuels du Groupe d’APP

  • Aborder collectivement des situations difficiles et complexes rencontrées sur le terrain;
  • Rompre l’isolement face à certaines situations;
  • Apprécier sa propre pratique professionnelle avec celles de ses collègues;
  • Se sensibiliser au vécu affectif personnel, émotionnel et relationnel ;
  • Verbaliser son vécu et ses pratiques en partageant l’expérience ;
  • Analyser les vécus professionnels personnels, relationnels et altruistes ;
  • Prendre conscience de ses actions et du positionnement sous-jacent ;
  • Qualifier la pertinence d’un positionnement dans une relation ;
  • Renforcer l’appartenance à l’équipe ;

Orientations théoriques

Je m’inspire des courants humanistes et non-violents tels que les proposent des chercheurs comme Maslow, Rogers, Jung, Rosenberg, et plus particulièrement de la pratique de la “maïeusthésie” initiée par Thierry Tournebise.

Qu’est-ce que la maïeusthésie ?

La maïeusthésie consiste à considérer l’ensemble de l’individu (l’Être) incluant à la fois sa part existentielle (le Moi) et sa part essentielle (le Soi). La dialectique entre Moi et Soi est en effet le lieu de conflits et d’incompréhensions dans le processus de vie de tout individu, mais aussi dans les relations et la communication entre accompagné et accompagnant. Plus précisément, la maïeusthésie considère le symptôme (physique, comportemental ou relationnel) comme étant le signal d’un être qui appelle à être rencontré. Une fois la raison de l’Être reconnue, le symptôme n’a plus besoin de se manifester. 

La maïeusthésie, si elle s’appuie sur les courants théoriques humanistes de la psychologie (Maslow, Rogers, Jung), est avant tout une pratique expérientielle d’un positionnement thérapeutique. Thierry Tournebise la définit comme une “psychologie de la pertinence”. Cette psychologie de la pertinence pose la question de la justesse et de l’adéquation entre, d’une part, les besoins essentiels du Soi et, d’autre part, les identifications et adaptations comportementales du Moi. Dans les relations d’aide ou thérapeutique, il s’agira pour l’accompagnant de reconnaître et de valider les besoins essentiels et vécus de l’accompagné. Autrement dit, d’être touché sans être affecté.

C’est pourquoi “Maïeusthésie” signifie « l’art d’être sensible au processus d’accouchement, de naissance du Soi ». Ainsi, la maïeusthésie pose la question de la distance et de la distinction. Vis à vis de l’accompagné, il s’agira d’être au plus proche de l’entièreté de son Être, d’être touché par ce qu’il vit, tout en étant suffisamment distinct pour valider son vécu. En cela, cette approche se veut inclusive quant aux différentes parts psychiques de soi, quant à l’environnement et aux relations systémiques, quant aux outils et approches utiles à l’épanouissement de l’Être.

En résumé, quelques points théoriques

Considération de l’Être

Je propose de considérer les êtres avant les comportements. Les comportements, quand ils ne semblent pas adaptés à la situation, viennent simplement porter le symptôme exprimant le défaut d’élan de vie. Reconnaître l’élan de vie en chaque être permet de le réhabiliter en lui-même et dans son rapport aux autres.

Relation et communication

La plupart du temps, nous sommes dans des espaces relationnels, c’est-à-dire que nous portons l’attention sur un objet médiateur de la relation : un objet matériel, un comportement, un symptôme. L’espace de communication consiste à considérer directement l’être que l’on accompagne en rapport avec l’objet et non pas l’être à travers l’objet.

La juste distance

Il s’agit de porter notre attention au plus proche des êtres que l’on accompagne. C’est-à-dire sans distance ! En revanche, cela ne signifie pas confusion. Il s’agit d’être distinct mais non distant. Ceci permet d’analyser ce qui est vécu, tout en étant dans une délicatesse et un tact psychique envers les êtres considérés (accompagné ou accompagnant).

Le positionnement de non-savoir

Rencontrer les Êtres et leur raison demande l’humilité du non-savoir. Il n’est pas possible de rencontrer quelqu’un en sachant par avance ce qu’il est ou ce qu’il vit ! À ce titre, le psychologue intervenant en APP, n’est pas un théoricien, ni un expert. Il invite au positionnement de l’accueil de soi et de l’autre. Rappelons que le mot “expert” vient de “expérience”. L’expert est celui qui a une expérience et non celui qui a un savoir. L’expérience est toujours du côté de l’être qui vit la situation, accompagnant ou accompagné. Sans présupposer ou savoir par avance, il s’agit de rencontrer l’expérience singulière de ceux qui la vivent.

Étant une approche relativement récente et novatrice en cabinet, elle l’est encore plus concernant les groupes de réflexion sur les pratiques professionnelles ! C’est pourquoi, bien que cette approche soit essentiellement pratique et thérapeutique, je vous invite à consulter les liens ci-dessous pour vous familiariser avec la théorie.

De l’Analyse des Pratiques Professionnelles…
…à l’Ajustement du Positionnement Professionnel

Un groupe d’élaboration clinique est communément appelé groupe “d’Analyse des Pratiques Professionnelles”. Afin de garder le même sigle (APP), je préfère utiliser le terme “d’Ajustement du Positionnement Professionnel ».

En effet, en analysant, nous tentons de discerner différents éléments d’une pratique et d’en conclure des hypothèses, des théories et in fine des solutions comportementales ou opératoires. Cela est un très bon début, mais ne met pas en valeur l’essentiel : la recherche d’un positionnement singulier permettant le plein accueil des êtres que l’on accompagne.

Ajuster un positionnement consiste à prendre conscience de là où nous portons notre attention tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de soi. Si nous mettons l’attention sur un objet de relation (un repas par exemple), nous ne sommes pas en lien avec l’être qui prend le repas. Notre attention est alors fixée sur la tâche à accomplir (accompagner la personne dans son repas) et non sur l’être (accueil d’être).

Pour accueillir les êtres à l’extérieur, il est alors nécessaire de porter l’attention sur l’être que l’on est en tant qu’accompagnant et en tant que groupe accompagnant. 

Un positionnement est donc un ajustement permanent à l’être singulier que nous sommes et à l’être singulier que nous rencontrons, dans une situation tout aussi singulière ! Ce n’est pas un “savoir-être”, mais une sensibilité permanente à ce qui se vit chez soi et chez l’autre.
Pour plus de détails, je vous invite à lire l’article dignité-aidant-aidé sur le site psychotherapie-amberieu.fr.

Modalités du dispositif proposé

Les modalités présentées ci-dessous correspondent à une proposition générique. Il sera évidemment nécessaire de les adapter  aux spécificités de votre établissement.

Le cadre du dispositif du groupe d'APP contribue à la qualité des échanges.
Le cadre du dispositif du groupe d’APP contribue à la qualité des échanges.

Participation

Le groupe est à destination du personnel accompagnant et/ou soignant. Il est idéalement constitué de 6 à 10 personnes. Il est demandé, dans la mesure du possible, un engagement des mêmes participants tout au long des séances.

Durée et fréquence

8 à 12 séances sont prévues, d’une durée chacune de 1h30 à 2h répartie sur l’ensemble de l’année.

Lieu

Le lieu doit offrir les conditions nécessaires à la réussite du dispositif. Il doit pouvoir accueillir confortablement l’ensemble des participants. Le lieu doit être identique au fil des séances et doit permettre la confidentialité des échanges.

Réunion de préparation

Avant tout travail d’APP, je propose une réunion de préparation avec l’ensemble du groupe et un représentant de l’institution avant la première séance d’analyse. (à défaut d’une réunion spécifique, un temps est pris lors de la première séance).

C’est l’occasion pour chacun de se présenter en évoquant les attentes et les difficultés professionnelles, de présenter le projet, le positionnement, de poser le cadre et éventuellement d’établir une charte de participation.

Sont notamment abordées les questions liées au cadre comme la nécessité de la confidentialité, du non jugement et de la bienveillance envers chacun. Nous évoquons aussi les limites de l’analyse des pratiques aux abords de l’institution ou de la thérapie personnelle en rappelant que cette analyse concerne le champ de la clinique. Peuvent également être abordées les questions relatives au groupe comme la construction de la pensée de groupe, de l’utilité de l’expérience et de la parole individuelle.

Enfin, le cas échéant, il est possible d’évoquer des pistes théoriques concernant la communication, la relation, le positionnement professionnel, l’attention portée aux êtres et non aux comportements, la juste distance thérapeutique, etc.

Cette réunion de préparation permet surtout, aussi de recueillir et écouter les expériences vécues et de répondre aux questions.

Déroulement d’une séance

Un déroulement clair où chacun peut penser pour soi et pour le groupe.
Un déroulement clair où chacun peut penser pour soi et pour le groupe.

Ce dispositif permet à chaque participant d’être dans une position active d’écoute, de réflexion et de partage au sein du groupe.

Chaque séance se déroule en 2 parties : un temps de retour sur la situation précédente et un temps d’analyse comprenant une ou deux situations cliniques.

Partie initiale – Retours sur les situations précédentes

Cette première partie permet de venir réactualiser la séance précédente. Il s’agit brièvement de rappeler la situation évoquée et d’en exposer les éventuelles évolutions constatées depuis.

Ce retour permet ainsi de situer le dispositif de groupe d’APP au sein de la dynamique historique de l’équipe. 

Cette partie est également l’occasion de faire émerger une ou deux situations à évoquer. En fonction des demandes, il est possible aussi de s’intéresser à une thématique rencontrée lors de plusieurs situations cliniques.

Partie d’analyse

Soit, pour chaque situation abordée :

1 – Présentation

Après avoir choisi collectivement une situation questionnante, un des professionnels la présente au groupe. Celui-ci est écouté sans être interrompu. Le but est de pouvoir partager une représentation de la situation la plus claire pour chacun des participants.

Suite à cette présentation, il est possible d’écouter le point de vue des autres professionnels qui auraient vécu cette même situation.

A la suite de ce premier récit, chaque participant peut demander des précisions sur la situation.

2 – Associations libres

Suite à l’exposé de la situation, chacun est libre, durant cette deuxième phase, de partager ses sensations et impressions tant sur les plans émotionnel que physique. Il s’agit d’exprimer librement  les associations d’images ou les références auxquelles lui fait penser la situation. C’est une phase où l’imaginaire a toute sa place et où émergent les rapports à l’inconscient.

A ce stade, en fonction de la sensibilité du groupe, des outils complémentaires pourront être utilisés comme le support de photos ou le jeu de rôles.

Au fur et à mesure des rencontres, et dans une approche plus en lien avec la maïeusthésie, l’intervenant invitera le groupe à porter son attention à l’Être en émergence chez les différents protagonistes de la situation. 

La richesse des discussions de groupe permettra de décaler l’objet de la problématique, d’apporter et comprendre d’autres points de vue et ressentis et, éventuellement, de faire écho à d’autres situations.

3 – Hypothèses et synthèse

La dernière phase constitue l’analyse sur les plans théorique et pratique. Chaque participant doit pouvoir s’approprier une partie de l’expérience partagée précédemment. Notamment en mettant en lumière les enjeux et les processus inconscients qui se sont joués dans les relations soignant-soigné présentées.

Chacun pourra ainsi évoquer ses hypothèses, ses idées ou ses solutions en lien avec sa pratique actuelle. Par ces différents apports, l’ensemble du groupe travaille à revisiter son positionnement professionnel personnel et groupal dans la relation de soin.

Un tour de table est proposé en fin de séance afin de concrétiser les vécus et expériences de la séance.

Bilan de l’APP

En fin de cycle annuel, une réunion de synthèse pourra considérer les bilans individuels et groupaux des participants en rapport avec les objectifs de l’institution commanditaire. 

Une proposition de questionnaire de bilan individuel est jointe ci-après. Un bilan de groupe et individuel pourra se faire en dernière séance.


Document Ajustement du Positionnement Professionnel
Document Ajustement du Positionnement Professionnel à télécharger.

Renseignement et téléchargement du livret

  • Les groupes d’analyse des pratiques professionnelles sont animés par David Libralesso. Le contacter.
  • Retrouvez une présentation complète dans la brochure d’information :