Qu’est-ce que la psychologie de l’Être ? À partir du mythe de Psyché, nous allons explorer les différents aspects de l’Être que sont le Soi, la Personnalité et le Moi. Cela nous amène à considérer un positionnement profondément holistique et humaniste où chaque personne est vue comme un être singulier et essentiel par nature.
Cet article est autant une introduction qu’une ébauche. La recherche est en cours. Je vous propose d’explorer, de poser des jalons, quitte à les déplacer plus tard, et de s’ouvrir à la pensée et à l’expérience de notre nature humaine.
par David Libralesso | Publié le 18.02.2021
Qu’est-ce que la psychologie ?
Voilà une question qui semble bien difficile tant les courants, les approches et les méthodes sont diverses. Commençons simplement par l’étymologie. Psyché vient du grec psukhê et signifie l’esprit, l’âme ou le souffle, et -λογία (logia) qui concerne la science, le discours. Étymologiquement donc, la psychologie est une science dont l’objet serait l’âme.
À notre époque, l’objet de la psychologie a fortement évolué. Elle s’intéresse aujourd’hui aux comportements, à l’intelligence, à la cognition, aux émotions, aux relations humaines, à la relation psycho-soma, aux apprentissages ou encore à la neurologie. Elle s’est ainsi fortement diversifiée dans de nombreux champs de recherche différents : psychanalyse, psychopathologie, psychologie sociale, du développement, du handicap, etc. (wikipedia). Dans tous les cas, l’objet de la psychologie inclut la vie non matérielle, autrement dit, inclut le vécu subjectif.
Psychologie de l’Être : Psyché et Cupidon
Apulée, dans Les Métamorphoses (ou L’Âne d’or) romance l’histoire de Psyché, la plus belle et jeune des trois filles d’un roi. Alors qu’elle est honorée comme une déesse, elle ne trouve pas de prétendant. Vénus la jalouse au point de charger son fils Cupidon de la rende amoureuse d’un « être de rebut ». Mais Eros s’éprend d’elle et la sauve de son sort.
Cependant, ils ne s’aimeront tout d’abord que dans le noir, sans se voir. Par la suite, Vénus mettra à l’épreuve Psyché sur les plans physique, émotionnel et mental. Elle prouvera sa pureté d’âme et sa capacité à s’unir avec un être divin (Cupidon).
Pour Thierry Tournebise (2011) , Eros/Cupidon, le céleste, tombe amoureux de Psyché la terrestre. Il y a ainsi deux mouvements : celui qui monte par Psyché et celui qui descend par Cupidon. Cela parle de l’union, d’abord inconsciente, dans le noir, puis de plus en plus consciente lors des épreuves de Psyché. Enfin, une fois que Psyché sera suffisamment expérimentée dans sa nature divine, les deux, Terre et Ciel, pourront s’unir.
Vers une psychologie de l’Être
Ce titre de paragraphe reprend le titre du livre d’Abraham Maslow. Celui-ci distingue deux modalités de fonctionnement psychologique. Le premier correspond à un fonctionnement déficitaire, sujet aux pulsions, qui a besoin de combler et d’avoir. Le second est le fonctionnement de l’Être. Dans cet état, le sujet ne cherche plus à combler des manques, il est en communion avec l’ensemble. Les désirs ou pulsions ne sont pas évités ou refoulés, mais pleinement compris et intégrés.
Tel Psyché et Cupidon, l’Être est un tout sur le chemin de l’harmonie. Une harmonie interne, mais aussi une harmonie avec l’extérieur. Être en harmonie avec soi-même amène l’harmonie avec les autres et les événements extérieurs. La psychologie de l’Être s’intéresse donc à l’ensemble de l’Être en reconnaissant la justesse et la pertinence de ce qu’il vit intérieurement.
Je propose de préciser cette psychologie à travers quatre aspects : holistique, d’équilibre, économique et existentielle.
Un aspect holistique
Voici un schéma pour clarifier. Les définitions suivantes sont la synthèse de ce qui me parait actuellement le plus pertinent. Mais ce schéma peut être fait de milles manière différentes !
Tout d’abord, l’Être inclut une part spirituelle, ou essentielle, en étant relié à l’ensemble des êtres (âme, ciel ou divin). En psychologie, nous appelons souvent cette part de l’Être, le Soi. Le Soi correspond à l’instance singulière en unité avec les autres. C’est la couleur ou la vibration singulière que nous sommes de l’ensemble.
D’un second point de vue, L’Être inclut aussi les formes, la matière. Nous pouvons appeler cette part de l’Être la Personnalité. La Personnalité correspond à l’instance créatrice en lien avec le Soi. Quand le lien avec le Soi n’est pas encore consciemment établi, la Personnalité est le reflet du Moi. Ce dernier correspond à l’ensemble de nos identifications avec les formes : nos possessions, nos relations, nos comportements, nos émotions, notre identité sociale, personnelle, culturelle, etc.
Enfin, nous pouvons aussi considérer le corps physique ou plus précisément le corps fait de matière dense. Bien qu’il ne soit pas le seul corps à devoir être considéré (il y a aussi un corps émotionnel, un corps mental etc.), le corps physique, ou soma, est ce qui nous ancre dans notre matérialité et dans l’expérience des sensations.
Ainsi, considérer l’Être, c’est considérer l’ensemble de l’individu, du plus matériel au plus spirituel, de l’essentiel à l’existentiel. L’Être correspond au complexe Soi-Personnalité reconnu comme unité.
L’Être, un parfait équilibre
Quand nous considérons un Être, nous portons l’attention à la fois sur sa partie spirituelle ― le Soi ― et sur sa partie manifeste ou visible ― la Personnalité ―. L’Être est un complexe en équilibre et en équilibrage permanent. De ce point de vue, l’Être est toujours en devenir. En même temps, il est l’accomplissement du sujet humain.
En nous, nous vivons la dualité entre ces deux instances. Le rapport de la Personnalité au Soi et du Soi à la Personnalité entretiennent une recherche d’équilibre constant. Si le Moi (partie identifiée de la Personnalité) a besoin de combler certains besoins matériels ou affectifs, le Soi rayonne. Son seul besoin correspond à celui de s’épanouir au mieux. L’ajustement de l’équilibre entre les deux, ne pourra se faire qu’en reconnaissant ce qui anime les deux pôles.
Cependant, l’équilibre entre les deux pôles est toujours parfait ! Reconnaître cela, c’est reconnaître la beauté des Êtres. Car ce que l’on aurait tendance à juger comme imparfait chez soi ou chez les autres, n’est simplement que le meilleur équilibre possible à l’instant ! L’Être est toujours parfait ! Il correspond toujours à la meilleur relation possible entre Soi et Personnalité.
Mais souvent, nous confondons la perfection de ce que l’on est avec un état d’être idéal :
Être en accord avec l’Être ne signifie pas être dans un état de perfection. Vouloir atteindre la perfection est une erreur que ne doit pas commettre celui qui est en chemin. Notre vérité est souvent assez misérable en rapport avec notre idéal. Être relié à la transcendance ne signifie pas que nous réalisons de manière parfaite « ce que doit être un homme », mais avoir la force de nous voir dans notre vérité du moment. La transcendance ne se manifeste pas quand nous dépassons le niveau humain, mais précisément là où nous reconnaissons notre faiblesse.
KG Dürckheim
Une dimension économique
Ainsi, ce qui se vit est toujours ce qu’il y a de plus ajusté. Cependant, dès notre enfance, nous nous forgeons une certaine discipline pour ne pas se sentir affecté ou pour se comporter d’une manière attendue en société. Nous bloquons alors notre élan vital pour nous conformer à ce que l’on attend de nous, à une identité.
Cela conduit à la construction de ce que Winnicott a appelé un faux-self. C’est-à-dire une fausse personnalité, une fausse manière d’être. Bien que « fausse », cette manière d’être est pour autant parfaitement bien ajustée. Elle est ajustée pour protéger le Moi et éviter la souffrance d’être différent, honteux, coupable, éviter les émotions. Mais elle est fausse car elle ne reflète pas toute la majesté du Soi qui cherche à s’épanouir.
Ainsi, il y a une économie de l’Être. Le Soi cherche à se manifester et à s’accomplir tandis que le Moi tente de maintenir une identité et en souffre. Entre protection du Moi et plein accomplissement du Soi se joue une danse. Parfois la vie amène de la violence, parfois de la douceur. Dans tous les cas, la conscience de l’Être s’affine dès que la vibration de rayonnement du Soi transparaît dans la Personnalité.
Dans la psychothérapie, il va s’agir de porter l’attention sur la justesse de la relation entre le Soi et le Moi. C’est la raison d’être de l’Être. Et de reconnaître le mouvement entre les deux comme éminemment pertinent.
Une dimension existentielle
Cependant, ne pas reconnaître, ne pas accueillir la pertinence des mouvements de l’être, génère des souffrances. Le symptôme est le signal de la souffrance d’un être qui n’a pas encore été rencontré. Reconnaître les formes extérieures n’est pas suffisant pour les êtres que nous sommes. En effet, il ne suffit pas de nommer un symptôme pour le faire disparaître ! Si nous reconnaissons seulement la forme extérieure, alors nous nions la vie intérieure stimulée par le Soi. Et l’Être tout entier souffre. De la même manière, si nous portons notre attention uniquement sur la part spirituelle sans inclure la part formelle, l’Être ne se révèle pas pleinement.
L’Être c’est ce que l’on considère. C’est ce que l’on reconnait dans ses plus grandes dimensions autant matérielle que spirituelle. Et reconnaître quelque chose ou quelqu’un revient à le faire exister. Ainsi, reconnaître l’être permet de faire exister ce qu’il est par essence. Ce faisant, l’Être est alors vivant psychiquement et formellement. Et quand l’être se sent exister, la joie émane.
Psychologie de l’Être, psychologie des Êtres
Considérer un Être, c’est lui rendre sa pleine existence, dans toutes ses composantes. C’est une démarche inclusive et intégrative. Pour retrouver l’entièreté de l’Être, il s’agit de rencontrer chacune de ses parts en souffrance, c’est-à-dire en attente que quelqu’un les entende et les reconnaisse. Comme Tournebise (2011) le propose, nous pouvons considérer ces parts en souffrance comme des êtres.
En effet, nous pouvons vivre de nombreuses souffrances différentes qui sont autant d’êtres en nous qui appellent à la reconnaissance. Une fois l’ensemble des êtres en nous réunis, l’Être que nous sommes se vit comme une unité. Quand nous réhabilitons l’Être dans toute ses parties, il peut alors totalement s’épanouir. Il naît à lui-même et peut devenir alors pleinement responsable de ce qu’il est par essence. A l’instar de la réunion de Psyché et Cupidon, il retrouve alors sa cohérence, sa place dans le monde et son pouvoir de rayonnement.
Bibliographie
- Apulée. (1865). L’âne d’or ou les métamorphoses (Atramenta, 2013.). https://www.atramenta.net/lire/lane-dor-ou-les-metamorphoses/40009
- Maslow, A. H. (1972). Vers une psychologie de l’Être. Fayard.
- Tournebise, T. (2011). Être et Conscience. maieusthesie.com. https://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/etre_et_conscience.htm